Qu’est-ce que c’est que ces façons ?
Il s’agit en réalité d’une cour de récréation. L’orthographe est un jeu. Il ne sert à rien de la moderniser (comprendre : l’appauvrir). Le futé Alexandre Vialatte souhaitait même la compliquer pour qu’elle soit encore plus amusante. L’auteur de Battling le ténébreux avait aussi envisagé de créer un comité de défense du point-virgule (qui est l’une de nos plus belles inventions).
Sans règles, les distractions perdent de leur charme. À force, le n’importe quoi ennuie. On pourrait, pendant qu’on y est, estimer que 2 et 2 font 3, ce qui permettrait aux cancres d’obtenir la moyenne. Vous imaginez le bazar.
Voici où nous en sommes, coincés entre le jargon des énarques et le rap des banlieues. Des savants progressistes militent pour que le français ressemble aux sms rédigés en phonétique. On nous permettra de préférer la nuance, la subtilité. Ces ingrédients ne sont pas empoisonnés.
Rendez-nous la dictée de Pagnol où l’instituteur prononçait le S à la fin de « moutons ». Le monde entier nous envie cette mécanique de précision. Il y a des rouages. Ils fonctionnent à force d’intelligence et d’habitudes. Le vocabulaire et la grammaire soutiennent le fronton du temple comme deux colonnes jumelles. Une belle page, une phrase corsée, sans bavures, on n’a jamais fait mieux. Là aussi, il faut choisir le cousu main. L’artisanat se perd. On aimerait le confondre avec le snobisme. Il est le synonyme d’élégance, ce mot qui signifiait encore quelque chose en l’an mil neuf cent et quelque. Cet outil permettait de s’exprimer. Il n’y a pas de honte à ça.
La langue française – oui – est un jardin. Il est inutile de le joncher de papiers gras. Comme certains endroits, on est prié de le laisser dans l’état où l’on aurait aimé le trouver en entrant. CQFD.
M. Pagnol, Topaze, 1951 © Fonds Marcel Pagnol.