Peut-on résister à la tentation du « franglais » ?
En réunion, lors d’un dîner d’affaires et parfois même au cours d’une fête de famille, il n’est plus rare d’entendre un proche s’exprimer dans une drôle de langue où se glissent subrepticement des mots empruntés à l’anglais. Las, difficile de le blâmer tant la tentation peut être grande de succomber aux affres du franglais dans notre société mondialisée. Que nous travaillions dans une start-up, dans le marketing ou le design, soyons à deux doigts du burn-out ou fan de brunch, nous puisons volontiers chez nos voisins britanniques ou nos amis d’Amérique des termes sans équivalents dans notre langue. Il faut dire qu’il est désormais délicat de proposer à ses collaborateurs une réunion de remue-méninges plutôt qu’un brainstorming, et un brin décalé de parler d’un mot-dièse plutôt que d’un hashtag à ses enfants, sous peine d’être pris pour un has been (comprendre, une personne passée de mode) !
De nombreuses raisons peuvent nous pousser à recourir à un terme anglais au beau milieu de notre phrase. Par mimétisme, effet de mode, souci d’appartenance à un groupe ou qui sait, par crainte de l’exclusion ? Possible. À l’image d’un adolescent soucieux de s’intégrer dans son nouvel établissement scolaire et qui teinterait soudain son langage de verlan. Mais trop souvent, l’emploi du franglais traduit une faiblesse langagière, une négligence voire une forme de paresse intellectuelle. Pourquoi parler d’un deal, aussi win-win soit-il, et non d’un accord gagnant-gagnant ? Pourquoi certaines chaînes de télévision multiplient-elles les live et les buzz ?
Dans notre langue pourtant chérie, fleurissent ici ou là des mots anglo-saxons en lieu et place de mots français pourtant disponibles de longue date. Ainsi l’on checke son courrier, on est overbooké, on relève des challenges et le business tourne bien. Utilisé à outrance, le franglais confine parfois au ridicule. Récemment, un chef d’entreprise nous confiait que « le network aristocrate existe mais il est light ». De quoi faire trembler Shakespeare et Molière dans leurs caveaux respectifs !
Reste que la langue française, comme ses consœurs étrangères, est vivante. Elle évolue depuis des siècles, pour le meilleur et pour le pire. Truffée d’anglicismes mais aussi de barbarismes, de pléonasmes et même de liaisons aléatoires, enrichie selon les uns et appauvrie selon les autres, elle vit ! Y compris, et c’est ainsi, dans la bouche des gentlemen.
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J. Gannam, First Date © Swann Galleries.