Proust en capitale
Marcel Proust (1871-1922)
On se souvient du mot de Jorge Luis Borges qui parlait des rues de Buenos Aires comme « des entrailles de mon âme ». Il en va de même pour Marcel Proust dont les artères de la capitale irriguent ses textes et conduisent au plus profond de son être. Elles furent en partie le décor de sa vie, mais plus encore le dédale qui le conduisit à son œuvre. « J’avais toujours à portée de ma main un plan de Paris qui, parce qu’on pouvait y distinguer la rue où habitaient M. et Mme Swann, me semblait contenir un trésor », écrit le narrateur dans le premier tome de À la recherche du temps perdu. On ne compte pas les cafés, les jardins, les gares, les hôtels (parfois de mauvaise vie), les salons mondains, les théâtres qu’il traverse dans sa vie et qu’il fige pour l’éternité dans son roman.
Proust vit Paris avant de le hanter et pour finir d’y laisser planer son ombre, comme un legs aux lettres françaises. La ville est son berceau, avant de devenir son tombeau. Il y naît le 10 juillet 1871, au 96, rue La Fontaine (la maison sera démolie en 1897). Enfant, il habite successivement au 8, rue Roy, entre 1870 et 1873, puis 9, boulevard Malesherbes, au fond d’une cour intérieure, au premier étage où il écrit Les plaisirs et les jours, son premier livre. En 1900, il emménage avec ses parents, au 45, rue de Courcelles, puis à partir de 1906, au 102, boulevard Haussmann (c’est aujourd’hui une banque). La migration se poursuit au 8, bis rue Laurent Pichat (3e étage sur rue), où il loue provisoirement un appartement dans l’immeuble de l’actrice Réjane fin 1919, et se termine au 44, rue Hamelin, la dernière adresse (c’est aujourd’hui un hôtel). Une plaque rappelle au passant le lieu où rendit son dernier souffle, le 18 novembre 1922, le plus grand écrivain français de l’entre-deux siècles.
On voit à Carnavalet son lit de mort, qui fut aussi l’établi sur lequel la rédaction de son œuvre le consuma. Dans cette chambre obscure de la rue Hamelin, il avait dit à sa bonne quelques jours avant de mourir : « Ah ! Céleste, aujourd’hui j’ai écrit le mot fin ».
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