Les jeux de société à la Cour de Versailles

Les Français et leurs monarques se passionnent pour eux aux XVIIe et XVIIIe siècles. Les échecs, hérités d’Asie, servent même à préparer les chevaliers à l’art de la guerre et à éduquer les princes. Mais comment et à quoi joue-t-on à l’époque ?
Quinte royale !

Si les jeux de société permettent de « faire société », ils sont aussi un moyen de « tenir une Cour », particulièrement sous Louis XIV, qui donne au jeu royal une dimension publique inédite. Ses prédécesseurs jouent en privé, dans la chambre royale ou dans un cabinet, en présence de quelques personnes. S’il maintient ce « jeu intime », où l’étiquette est plus relâchée, après le souper, dans ses petits cabinets ou chez des courtisans, il instaure, dans les années 1670, les « soirées d’appartement », qu’il institutionnalise lorsque la Cour s’établit définitivement à Versailles, en mai 1682. Ces moments de détente sont consacrés à la conversation et au jeu ; « jeu du roi » et « jeu de la reine ». Ils se tiennent notamment dans les grands appartements de Versailles et dans le grand salon de Marly, d’octobre à mi-avril ; le plus souvent, les lundis, mercredis et jeudis soir, de sept à dix heures. Le « grand jeu », lui, a lieu lors des soirées de « grand appartement », à l’occasion des fêtes royales réservées à un public plus large que la Cour. 

Louis XV ne jouera pas en public,  préférant le jeu intime. Son épouse, la reine Marie Leszczynska, relancera le jeu de la reine en 1739, dans le salon de la Paix. Louis XVI tient la liste des courtisans invités à ses soupers et des jeux qui occupent leurs soirées.  

Louis XIV se passionne pour le billard, prescrit par son médecin pour faciliter la digestion ; et pour le jeu des portiques ou trou-madame, proche du billard, mais avec des portes en guise de trous et de gros palets à la place des boules. La reine Marie Leszczynska aime le cavagnole, jeu italien venu de Gênes, comparable à la roulette. Louis XVI préfère la stratégie du trictrac, ancêtre du backgammon ; Marie-Antoinette et son beau-frère, le comte d’Artois, futur Charles X, raffolent du pharaon, jeu de hasard et de stratégie consistant à miser sur des cartes, perdantes ou gagnantes. 

Les jeux de cartes sont très prisés à la Cour de Versailles : le lansquenet (jeu de paris à la mode dès Louis XIII), l’hombre (historiquement, premier jeu de levées à enchères à la manière du bridge), le quadrille (version à quatre joueurs de l’hombre), le brelan (à l’origine du nom de la combinaison du poker), le piquet (ancienne belote). Les jeux de plateau, tels les jeux de l’oie, sont en vogue sous Louis XV. En plus du trictrac, les jeux d’esprit comptent les échecs et les dames. Les dés, apparus en Inde dès 2300 av. J.-C. puis en Egypte, et le loto sont des jeux de hasard à succès. 

Aux jeux de cartes avec mises, le roi règle souvent les dettes de ses courtisans, maintenant ainsi autour de lui une Cour fidèle, qui, de son côté, profite de ces moments pour l’impressionner ou lui demander une faveur. Voilà, pour tous, une manière habile d’avoir beau jeu.