Un repas : à la bonne heure !

S’il est toujours agréable de recevoir une invitation, on sera parfois surpris de la formule : « Venez manger ! » Voilà qui est convivial, mais puisque la langue française nous offre le luxe de désigner chaque repas par un terme différent, pourquoi s’en priver ?
Un repas  à la bonne heure !

Entre deux mots, faut-il choisir le moindre ou le plus approprié ? Si certains peuvent être de même nature, le sens commun a pu les faire évoluer : « il dîna d’un croissant » (Roger Martin du Gard), « déjeunant seul avec du thé » (Charles Baudelaire). Messieurs les écrivains, il n’a pas toujours été aisé de savoir quelle expression employer et bonne chance à la maîtresse de maison qui se serait mis en tête de vous inviter à sa table !

Heureusement, de nos jours, les usages sont plus clairement établis. On petit-déjeune le matin, on déjeune à midi, on prend un encas au goûter – c’est facultatif – dans l’après-midi, on dîne le soir et l’on soupe tard dans la soirée. Mais, de plus en plus rarement, même chez les nostalgiques, on ne soupe plus, on dîne. On pourrait alors penser que tout cela se différencie uniquement en fonction des heures de la journée. L’affaire n’est pas aussi simple.

Dîner et déjeuner sont ce qu’on appelle des doublets. Ils ont la même étymologie, disjunare, « rompre le jeûne ». Or, si déjeuner s’emploie encore aujourd’hui dans ce sens – quoique le jeûne ait été légèrement rompu par l’ami Ricoré au petit déjeuner –, dîner consiste à passer à table le soir, sauf à la campagne où l’on dîne plutôt à midi et où l’on soupe le soir.

On imagine aisément le casse-tête que doit être pour un étranger le choix du terme approprié : le citadin va l’emmener à un dîner en ville, le campagnard va lui proposer de rester dîner à midi ou de prolonger par un souper, la famille Manet va le convier à un déjeuner sur l’herbe… Il ne manquerait plus qu’il soit invité à un lunch de mariage en fin d’après-midi, ce qui pour un Anglo-Saxon serait le comble de la confusion, car le lunch est toujours une collation de la mi-journée.

Déjeuner, cocktail, dîner… ou brunch pour les plus « branchés », voilà un vaste choix pour lancer vos invitations !

Ne manquez pas de lire, ou relire les billets suivants : « L’Impudique fourchette anglaise », « Le repas, tout un art ! » et « Dîner ou souper ».  

J.-F. de Troy, Le déjeuner d’huîtres, 1735 © Flickr, J.-L Mazieres.