Pour se mettre au parfum
Audacieusement logé dans votre cerveau, votre bulbe olfactif traite les odeurs transmises par les capteurs sensoriels de votre nez. Ces neurones subtils vous joueront des tours si vous êtes atteint de parosmie, d’hyperosmie, ou pire, d’anosmie. Mais vous voilà en odeur de sainteté face à Dame Nature et vous composez, d’une senteur à l’autre, au fil du temps, une mémoire olfactive. « Le souvenir est le parfum de l’âme » écrivait George Sand. Les fleurs les plus odoriférantes attireront les insectes pollinisateurs : la rose, la lavande, l’orchidée, la tubéreuse, le jasmin, ou encore le magnolia. Les fleurs cadavres à l’odeur putride méphitique, telles que l’hellébore fétide, le lysichiton et le serpentaire, séduiront les insectes nécrophages. « Ça cocotte ! » pourriez-vous vous dire. Les fleurs muettes vous interpelleront : le lys, le muguet, le lilas, le chèvrefeuille, la pivoine, le freesia, le gardénia, l’œillet ou la violette. Les fleurs inodores vous intrigueront : le dahlia, l’anémone, la pensée, le tournesol, entre autres.
Un nez compositeur fera de ce jardin un accord, n’hésitant pas à arrondir la composition du parfum ainsi créé. Préférera-t-il un solinote ou un soliflore ? Il réfléchit devant son orgue à parfums ; joue sur les notes, boisées, orientales ou poudrées. Il y a comme un parfum de mystère dans cette alchimie qui embaume, monte et traîne dans des nuances aux tonalités diverses. La chromatographie en révèlera les secrets. Quid de la fragrance finale ? De son ampleur, de son caractère, de son sillage et de sa rémanence ? Celle-ci s’avère linéaire ; celle-là est louche. D’autres sont parfois qualifiées d’alambiquées, fouillées, rêches, chastes, heurtées, fauves, tièdes, sourdes, et même ambrosiaques.
Loin de perdre son latin dans ces interminables appellations, le Japon a fait du kôdô – « la voie de l’encens » – un art traditionnel au même titre que l’ikebana et la cérémonie du thé. Cette pratique ancestrale, dédiée à l’art d’apprécier les parfums, consiste à créer des compositions odorantes essentiellement à partir de bois parfumés et à les soumettre à des connaisseurs au cours d’une cérémonie, dont les règles ont été codifiées vers la fin du XIVe siècle.
Au-delà de ces rites et de ces jeux de mots, d’un bouquet d’arums ou d’arômes, jaillit avant tout une émotion, diffuse et intime.
Pour parfaire votre culture :
Ambrosiaque : À l’odeur très agréable.
Anosmie : Privation de l’odorat.
Arrondir une composition olfactive : Apporter une belle harmonie entre ses composants.
Bulbe olfactif : Région du cerveau traitant les informations liées aux odeurs.
Chromatographie : Technique destinée à analyser la composition d’un parfum.
Compositeur : Personne qui crée un parfum.
Départ : Ou note de tête. Première impression olfactive ressentie à la suite de la vaporisation du parfum.
Fleur cadavre : Fleur émettant des odeurs de chairs en putréfaction.
Fleur muette : Fleur qui embaume dans la nature mais dont il est impossible d’en extraire le parfum. Celui-ci est reproduit au moyen des matières de synthèse.
Fouillé : Qui délivre bien ses notes secondaires.
Heurté : Contrasté.
Hyperosmie : Exacerbation de l’odorat.
Linéaire : Fragrance à l’évolution stable tout au long de son porter.
Louche : Parfum manquant de limpidité en raison d’impuretés ; ou considéré comme mystérieux.
Méphitique : Qui a une odeur répugnante.
Orgue à parfums : Inventé par Joris-Karl Huysmans dans son roman A Rebours, paru en 1884. Meuble professionnel composé d’étagères disposées en demi-cercle, sur lesquelles sont disposés les flacons de toutes les matières premières servant à la composition d’un parfum.
Osmologie : Science dédiée à l’étude de l’odorat.
Parosmie : Déformation de la perception olfactive.
Soliflore : Parfum imaginé autour d’une seule fleur.
Solinote : Qui est à une seule note (musique). Fragrance fabriquée autour d’un ingrédient central.
Sourd : Qui ne se diffuse pas.
Flacons de parfum, A. Andriot, Vetiver’s © Wikimedia Commons