Médecin ou docteur ?

Il ne viendrait sans doute à aucun malade, fût-il de santé mentale très précaire, de dire en entrant dans le cabinet médical : « Bonjour médecin ! » au lieu de « Bonjour docteur »
Médecin ou docteur ?

Ou pire : « Il est minuit médecin Schweitzer », et ce pour une raison simple : on ne salue pas une fonction (médecin, boucher, cordonnier), mais un homme (ou une femme). Dans ce qui nous intéresse, l’homme c’est le docteur, souvent le bon docteur, dont l’archétype est, comble du paradoxe, le « médecin » de famille ou de campagne qui perd son étiquette de médecin dès qu’il devient un familier, un intime.

 

Et pourquoi l’appeler « docteur » alors que l’on a l’habitude d’appeler son voisin de palier, qui lui est docteur en physique nucléaire, tout simplement M. Einstein ? Tout est relatif. Bref, la différence fondamentale entre un médecin et un docteur, c’est que l’on va consulter le premier et rendre visite au bon docteur Schweitzer. Ça change tout !

 

Le docteur ne va pas se contenter de faire un diagnostic, mais il va discuter, se renseigner sur ce qui se passe dans cette famille qu’il connaît bien. On en oublierait presque qu’il est docte, c’est-à-dire savant. Il rassure parce qu’il est proche. Il y a des choses intimes, voire très intimes, qu’on n’hésitera pas à évoquer devant lui. Rien à cacher à cet homme dont l’affabilité n’a d’égale que sa discrétion. Et puis les enfants n’ont pas peur de lui. La preuve, ils jouent au docteur, pas au médecin. En allant chez le médecin, on donne un peu l’impression de faire une visite mondaine ; en allant au docteur, comme on dit souvent à la campagne, on se sent plus proche de la vérité crue de la maladie, et l’illusion de l’égalité entre le pauvre malade et le praticien se fait plus évidente.

 

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