Maisons de famille : la fabrique à souvenirs
Cela sent la poussière et les souvenirs. Il faut ouvrir les volets en grand. Il y a du silence. Ce silence ne durera pas. Voici les vacances.
La maison ne désemplira pas. Elle est faite pour l’été, les cris d’enfants, les déjeuners dehors. Noël n’est pas mal non plus, avec ses feux de cheminée, son réveillon, ses bottes crottées de boue, son sapin au pied duquel s’entassent les cadeaux.
Dans les chambres, les lits ont été faits. Au grenier, la table de ping-pong attend les joueurs. Dans un coin, le flipper date de Mathusalem : il fonctionne avec des pièces d’un franc. Les bibliothèques sont pleines de livres de poche gondolés, de best-sellers un peu oubliés. Quelques Pléiades au milieu.
Le soir, on regardera un vieux film en DVD. Truffaut ou Sautet ? D’antiques VHS encombrent une étagère. Nul ne se résout à les jeter. À la cave, les vins vieillissent moins vite que nous. Dans les couloirs, le papier peint se décolle par endroits.
Un volontaire est désigné pour tondre la pelouse. Il faut aussi quelqu’un pour faire les courses au village. Qu’il pense à la presse locale, hein. À la piscine, les guêpes constituent l’ennemi numéro un. Le soir, les chauves-souris battent des records de vitesse entre les arbres. Le matin, des odeurs de pain grillé embaument la cuisine. Les retardataires auront droit à du café réchauffé. Des courageux gonflent les pneus des vélos. L’antique Solex ne veut plus démarrer. On entend le bruit des balles de tennis. Une voix décompte les points. Un cousin a encore triché. L’aînée des filles téléphone au bord du ruisseau, là-bas, très loin. Défense de la déranger. Le chien court après les motos. Les glaçons fondent dans les verres de rosé. Un klaxon annonce l’arrivée des pièces rapportées. Est-ce qu’il y a des moustiques cette année ?
Tout cela respire la mémoire, le romanesque, les histoires qu’on raconte jusqu’à minuit. À propos, il reste de l’armagnac ?
© Anita Austvika