L’Épiphanie ou l’enfance de l’art
Epiphaneia. Le mot vient du grec et signifie apparition. Saint Matthieu, seul des quatre évangélistes, mentionne des mages venus d’Orient. Ils « entrèrent dans la maison, virent l’Enfant avec Marie, sa mère, et, se prosternant, ils l’adorèrent ». Ces versets auront marqué au plus profond l’Église primitive. Car les mages, représentants des peuples de la terre, attestent les premiers que le Sauveur a pris chair et qu’il est descendu parmi nous.
Ils donnent la fièvre aux théologiens : Tertullien, au IIIe siècle, voit en eux des rois. Origène détermine le nombre de trois rois mages puisque Matthieu précise qu’ils portent au Christ nouveau-né l’or, l’encens et la myrrhe, symboles respectivement du pouvoir royal, de la fonction sacerdotale et du sacrifice à venir sur la Croix, la myrrhe servant à l’embaumement. Au VIe siècle, L’Évangile arménien de l’enfance, écrit apocryphe, mentionne les noms de Gaspard, Melchior et Balthazar. L’identité de nos rois mages se précise.
Même s’ils n’ont pas attendu si longtemps pour avoir leurs représentations dans l’art. Les plus anciennes à être parvenues jusqu’à nous remontent à la fin du IIIe siècle et se situent dans les catacombes de Priscille, à Rome. Peu après, les mages apparaissent sculptés sur des sarcophages chrétiens, leurs offrandes évoquant métaphoriquement le don de l’âme du défunt à Dieu.
De plus en plus s’impose la portée universelle de la trinité des mages. Ils figurent les trois parties du monde alors connu, l’Europe, l’Asie et l’Afrique. Balthazar est d’ailleurs représenté avec le visage noir à partir de 1460. Ils évoquent aussi les trois âges de la vie, le vieillard Melchior étant celui qui est prosterné au plus près du Nouveau-né.
Ainsi, tout est en place pour que l’Épiphanie devienne l’un des thèmes les plus populaires de l’art chrétien, à travers les monuments, comme le chapiteau de la cathédrale d’Autun, ou la peinture, de Giotto, en 1305, avec sa fresque de la chapelle Scrovegni de Padoue, à Tiepolo en passant par Mantegna, Dürer ou Rubens qui a peint plus de dix versions de L’Adoration des mages.
Le sacré dévie au Pays-Bas, au XVIIe siècle, et Jacob Jordaens peint à diverses reprises le thème du roi haricot ou du roi boit, représentant une gargantuesque réunion de famille autour de la galette des rois et de la fève. La littérature s’empare à son tour des mages, que ce soit dans le poème Épiphanie, de José-Maria de Hérédia, ou dans le roman Gaspard, Melchior & Balthazar, de Michel Tournier. Sans oublier la culture pop avec la chanson Les Rois mages de Sheila, tube absolu de l’année 1971.
L’étoile du Berger n’a pas fini d’illuminer le monde.
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P.-P. Rubens, L’Adoration des mages, 1609 © WK.