Le jardin à la française ou l’art d’architecturer la nature

Les mois de septembre et d’octobre fleurissent de Journées et de Fêtes des Plantes à travers toute la France. De nombreux châteaux participent à ces manifestations en ouvrant les portes de leurs jardins. L’occasion pour nous d’évoquer l’histoire du jardin à la française et de vous convier dans ses allées ordonnées.
JARDIN

La visite des lieux s’ouvre sur une succession de « pièces », de « couloirs », de « salles », de « vestibules », de « chambres » ; de « murs » et d’« escaliers ». Le plan du château, pardon, du jardin indique un « théâtre » de verdure, des « tapis » de gazon, des parterres remplis de « broderies », et des arbres disposés en « rideaux ». L’eau des bassins est un miroir ; celle des fontaines, un lustre.


Vous voici au cœur du « jardin à la française », dont les dessinateurs empruntent à l’architecture son vocabulaire pour le décrire ! Triomphe de l’ordre sur la nature, il est reconnaissable à son tracé géométrique porté à une échelle monumentale. S’inspirant des jardins dont la Renaissance italienne raffole à partir du XVe siècle et si bien incarnés par le jardin de Boboli à Florence et la Villa Medicea di Fiesole, il prend peu à peu forme en France. Charles VIII, de retour de sa campagne d’Italie en 1495, s’en entiche, tout comme Henri II et François Ier : les châteaux d’Amboise, de Blois et de Chenonceau suivent cette mode. Les jardins de Fontainebleau inaugurent, en 1528, la première grotte artificielle du pays. Ceux du château d’Anet, aux proportions parfaites, servent de modèle dès 1536.


Cette vision jardinière structurée atteint son apogée au XVIIe siècle avec André Le Nôtre, membre de l’Académie d’architecture et éminent jardinier en chef de Louis XIV dont Vaux-le-Vicomte et Versailles sont les réalisations les plus spectaculaires. Symbole de pouvoir et de réussite, le château sert de point visuel central, ouvert sur le jardin. Une terrasse permet au visiteur d’appréhender ce dernier en un seul coup d’œil. L'axe principal se compose de pelouses et de bassins. Il est traversé par des perspectives et des allées perpendiculaires, rythmées de topiaires et de statues au thème mythologique. Ornés de fleurs, de briques, de gravier ou de sable, les parterres les plus sophistiqués, de forme carrée, ronde, ovale ou en volutes, sont visibles depuis les pièces de réception, tandis que les bosquets d’arbres se dressent plus loin. Les technologies de l’époque enjolivent cet écrin de verdure, à l’instar du système hydraulique pointu grâce auquel l’eau s’ébroue, de bassins en fontaines, dans une exubérance gracieuse, tels des feux d’artifice.  


L’art d’architecturer la nature va bien au-delà d’une lecture optique purement théorique. Il façonne le paysage en corrigeant les déformations consécutives aux effets de fuite. En élargissant les allées et les cloisonnements, en dessinant des parterres trapézoïdaux, l’illusion est donnée d’une plus grande distance. Ce procédé, utilisé en France depuis 1630, est amplifié par Le Nôtre, qui donna ainsi à Versailles une percée lumineuse à l’infini en imaginant le Grand Canal.


Au milieu du XVIIIe siècle, les jardins anglais et chinois bousculent cet ordre. La peinture, la littérature et la philosophie deviennent les nouvelles muses des jardins français.