Femme ou épouse ?
L’un de mes amis avait banni de son vocabulaire les jolis diminutifs que l’on réserve généralement à celle pour laquelle on éprouve les plus beaux sentiments. Il l’appelait simplement « ma femme ». Qu’elle soit amante ou épouse, pour lui, elle était « ma femme ». Cette marque de possession n’était qu’apparente, mais choque les bons esprits d’aujourd’hui pour lesquels la « femme » est libre tandis que « l’épouse » est retenue par des liens – du mariage bien sûr. Mais à l’inverse, la femme ou l’épouse, nous n’osons pas dire la concubine qui a un parfum commun, n’a pas d’autre choix que d’opter pour « mon mari ». « Mon homme », en l’occurrence, fait songer à une chanson célèbre qui fit les beaux jours de Mistinguett.
Ce manque de douce appellation masquée par « mon mari » signifie-t-il que la dame ne serait pas amoureuse de son… doux. Il est vrai que les statisticiens, qui voient davantage les chiffres que les sentiments, assurent que les hommes offrent, à l’occasion de la Saint-Valentin, en majorité des fleurs à « une femme » plutôt qu’à une épouse. D’ailleurs, si l’on écoute Serge Reggiani, on entend : « la femme que j’ai dans mon lit n’a plus vingt ans depuis longtemps », et non « l’épouse que j’ai dans mon lit ». Pendant longtemps, on a cru que l’épouse signifiait soumission alors que, comme l’époux, sa définition appartient à la langue juridique ou administrative. Le mot vient du latin sponsio (promesse solennelle, engagement, parole). Les époux sont donc un état, on y décèle dans ce terme peu de sensualité. L’appellation « ma femme », usée par mon ami vis-à-vis de son épouse sur le papier, manifeste toute sa tendresse pour elle.
D’ailleurs, on dit bien à son fleuriste composant un bouquet : « C’est pour ma femme ! »
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Dorothy McGuire, Gregory Peck et Sam Jaffe dans Gentleman's Agreement, 1947 © WK.