Dites-moi votre prénom, je vous dirai qui vous êtes
Dites-moi votre prénom, je vous dirai qui vous êtes ! Si un nombre croissant de parents se laisse tenter par un prénom original – les Andréanne, Déotille ou Enoa se multiplient de nos jours – ou bien succombent volontiers à l’effet de mode en nommant leur enfant Jordan, Enzo ou Kendji, d’autres privilégient les prénoms porteurs de sens, héritiers d’une histoire familiale voire d’une tradition séculaire. En baptisant leur progéniture Clémence, Apolline ou Amaury, ce n’est pas tant parce qu’ils aiment la musicalité singulière ou les sonorités agréables de ces prénoms. Leur choix traduit davantage la volonté d’inscrire leur progéniture dans un temps plus long et dans un tout plus grand qu’eux.
Ainsi, le fils aîné pourra porter à merveille le prénom de son grand-père ou de son parrain ou bien, très chic, le nom du village où se trouve le château de famille, et la fille portera celui d’une ancienne reine de France.
Nombreuses sont ces familles toujours éprises d’une certaine élégance, appréciant les prénoms royaux tels que Louis, Charles, Henri ou Philippe. Il en va de même pour les prénoms chevaleresques, comme Enguerrand (en mémoire sans doute d’Enguerrand de Metz, qui accompagna Charlemagne dans sa campagne contre les Avars de Hongrie), Blanche (en hommage à Blanche de Castille, la mère de Saint Louis) ou Lancelot (clin d’œil au chevalier emblématique de l’amour courtois). Au diable l’originalité et les tendances du moment ! Le nouveau-né, à peine nommé, s’ancre ainsi dans une lignée familiale.
Le choix du deuxième prénom relève d’une réelle stratégie patronymique. Bien souvent, il s’imprègne d’une connotation religieuse. Ainsi il n’est pas rare de voir un enfant porter, en guise de deuxième prénom, Marie ou Joseph.
Dans les grandes familles, la transmission du prénom est tout aussi importante que le prénom, car elle permet d’exprimer le capital symbolique de la famille. À l’heure où le prénom sort de la sphère privée pour devenir une dénomination publique – à l’école, en entreprise, en société, il est désormais d’usage de se faire appeler par son prénom –, il tend à devenir l’élément fixe et central de l’identité sociale. Le prénom contribue à forger la personnalité tout en renforçant un sentiment d’appartenance à un groupe, à une famille, à un clan. Charge ensuite au petit d’homme d’œuvrer pour réussir à se « faire un nom » !
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Image du film de Coline Serreau Trois hommes et un couffin ©AFP - FLACH FILM / SOPROFILMS / COLLECTION CHRISTOPHEL