Des roses pour timbrer un losange
Madame ! Il n’y en a qu’une et une seule. Du moins apparemment. Cette appellation Maadaame semblait réservée à feue la comtesse de Paris, pour laquelle « tout était bonheur », malgré les difficultés inhérentes à la vie. C’est pourtant de cette manière bien simple que l’on s’adresse aux reines et aux princesses du sang. Il n’y a que dans les films que les Majestés s’immiscent à foison dans les dialogues. Mais alors les mademoiselles ? Ne les évoquons pas, elles ont disparu du protocole républicain, sous le prétexte que cette appellation pourrait offenser les célibataires prolongées.
« Si j’étais Belge, je serais comtesse », proteste l’une d’elles. Il est vrai que la France n’est pas tendre avec la gent noble féminine. Pas de titre et pas de prénom afin de préciser qu’elles sont les aînées si elles le sont. Elles ont tout juste le droit de faire figurer sur leur chevalière les armes de leur père, inscrites dans un losange. Or, il nous est venu aux oreilles que dans certaines familles, les filles aînées de la branche aînée pouvaient timbrer leurs armes d’une couronne de roses. Nous avons consulté les traités d’héraldique. Rien. Interrogé des spécialistes éminents. L’un d’eux nous a fait une réponse lapidaire : « Jamais ! »
Ne souhaitant pas désobliger une demoiselle aînée et considérant que l’héraldique peut évoluer dans les limites du raisonnable et de la bienséance, nous avons soumis une maquette à un graveur spécialisé. « Jamais vu ! » s’est-il exclamé. Ce dernier, pourtant, s’est montré ravi de l’exécuter et a trouvé que le résultat présentait une certaine élégance. La demoiselle arbore désormais sa chevalière au timbre fleuri et se demande si cette couronne-là pourrait s’inscrire dans un nouvel usage.
Ne manquez pas de lire, ou relire notre billet sur : « La chevalière au doigt, j’assume ! »
P.-J. Redouté (1759-1840), Rosa Bifera Officinalis