À décoder !
Il fut une époque bénie des dieux, et pas si lointaine, où les numéros de téléphone de quatre chiffres étaient précédés de résonnances aussi poétiques et bucoliques que Jasmin, Bagatelle ou Auteuil. Les enveloppes de courrier fleuraient l’exotisme, fût-il hexagonal, parce que l’on pouvait y lire des noms pittoresques comme l’Ille-et-Vilaine, le Doubs ou la Meurthe-et-Moselle…
Autres temps, autres mœurs puisque notre quotidien est de plus en plus aliéné à l’usage des codes et autres mots de passe, ce nouvel esclavagisme des temps modernes qui fait que dès potron-minet, après avoir ouvert facilement son téléphone portable grâce à un simple code, il ne nous reste qu’à déverrouiller une carte SIM qui nous fait savoir d’une façon comminatoire, alors que l’on est encore tout embué des vapeurs de la nuit, que nous n’avons plus que trois tentatives restantes (sic).
C’est peu dire que voilà une journée qui commence bien, car le pire reste à venir avec le code du parking, le re-code pour l’autoradio et le re-re-code pour ouvrir une demi-heure plus tard le parking du bureau. Journée donc sans histoires où l’on devra cependant ne pas confondre le code de sa carte bancaire personnelle avec celui de la carte de la société pour inviter quelques clients au restaurant, non sans avoir vérifié que leur QR code est bien à jour. Retour au bureau, puis réserver des billets de train pour les vacances scolaires des enfants sur le site de la SNCF après avoir introduit son mot de passe, à condition qu’il y ait au moins deux caractères, un chiffre, pas d’espace, une majuscule et aucun signe de ponctuation ou d’exclamation…
Déjà 19 heures ? Il est temps de se préparer pour aller dîner en vérifiant bien avec belle-maman que les codes pour ouvrir ses deux portes cochères n’ont pas été modifiés…
F. Bisson, Gravure d’un téléphone © Flickr.