De l’art de la conversation
Vous vous rendez à une réception et, mis à part la maîtresse de maison, vous ne connaissez pas les autres convives. Un silence pesant s’installe. Pire encore, l’un des invités monopolise la parole ou vous invective ouvertement. Voilà des situations que nous avons malheureusement tous vécues…
Converser contribue à la civilité d’un peuple. Cela suppose de l’empathie, c’est-à-dire savoir s’adapter à la personne avec laquelle on échange, faire preuve de tact et de respect, avoir le sens de l’écoute, partager ses connaissances sans tomber dans l’afféterie. Celui qui sait converser sera de cette fameuse « bonne compagnie » que l’on souhaite pour les autres et pour soi contrairement à la « mauvaise compagnie ».
Car il est, hélas, des compagnies ennuyeuses comme il en est des intéressantes, des conversations qui élèvent et des discussions qui abaissent, des bavardages tristes et des entretiens gais, des échanges fatigants et des dialogues stimulants, des affrontements inutiles et des commerces agréables. Pour ne pas faire partie du mauvais camp, le seul remède est de trouver en soi-même les ressources pour ne pas infliger aux autres ce qui nous fait nous-même souffrir. Quelles sont donc les règles de la « bonne compagnie » ?
Tout d’abord l’aspect. En effet, un joli sourire fait toute la différence. C’est une politesse élémentaire que de montrer un visage aimable. Quant à la conversation, il est toujours plus agréable pour votre interlocuteur de lui montrer un intérêt sincère. « Pratiquez-vous l’escrime ? C’est amusant, Charles aussi ! » Présenter les personnes entre elles en créant des liens, voilà un précieux conseil qui fera de vous, un hôte parfait.
Un peu d’esprit, un brin d’humour, sans oublier du second degré et le tour est joué ! Avec diplomatie, il est recommandé de privilégier des sujets qui permettent à chacun de s’exprimer. Religion ou encore politique, adieu polémiques inutiles ! Et pour la voix ? Qu’elle soit claire, posée et articulée surtout si votre interlocuteur est âgé.
Sachez remercier. L’ingratitude engendre l’amertume. Parmi les secrets de l’art de la conversation, il y a celui d’éviter de « monopoliser la conversation » afin que chacun puisse s’exprimer et être bon même si c’est parfois un effort. La bonté grandit l’autre et nous grandit nous-même.
Quant à la maîtresse de maison, elle veillera à la qualité de la conversation chez elle comme un trésor inestimable. Mme Necker, grande salonnière du XVIIIe siècle et mère de Germaine de Staël, le résumait par ces mots : « Le gouvernement d’une conversation ressemble beaucoup à celui d’un État. Il faut qu’on se doute à peine de l’influence qui la conduit. L’administrateur et la maîtresse de maison ne doivent jamais se mêler des choses qui vont d’elles-mêmes, mais éviter les maux et les inconvénients qui viennent à la traverse, éloigner les obstacles, ranimer les objets qui languissent. Une maîtresse de maison doit empêcher que la conversation ne prenne un tour ennuyeux, désagréable ou dangereux ; mais elle ne doit faire aucun effort tant que l’impulsion donnée suffit et n’a pas besoin d’être renouvelée ; trop accélérer c’est gêner. »
Comme un instrument de musique dont on joue régulièrement pour en garder la maîtrise, cultivons donc l’art de la conversation pour en obtenir les plus belles harmonies en ayant soin d’éviter les fausses notes qui nuisent à tout concert digne de ce nom.
Et pour éviter une malencontreuse panne d’inspiration et le passage d’un ange, le Bottin Mondain détient l’arme secrète. Avant la réception, pensez à consulter les pages de notre célèbre ouvrage pour en apprendre plus sur vos convives et, ainsi, avoir quelques idées de sujets en poche !
Ne manquez pas de lire, ou relire les billets suivants : « Drôle de langue », « Usez et abusez des mots rares et précieux », « Y a pas de soucis ! » et « De grâce, n’écorchez pas mon nom… »
J.F. de Troye, La Déclaration d’amour, 1731 © WK.